Ensemble pour l’Europe. Rassemblement des mouvements et communautés chrétiens. Stuttgart. 8 mai 2004

            Ce fut une fête des mouvements et des communautés nouvelles, une fête multicolore, jeune et joyeuse, une fête aux multiples expressions artistiques. J’avais l’impression de me trouver dans un grand cortège en marche, et, au sommet d’une colline, d’entrevoir déjà un peu le but du pèlerinage oecuménique, comme lorsque sur le chemin de S. Jacques on arrive au Mont de la Joie, d’où l’on peut voir au loin les tours de la cathédrale de Compostelle.

            Ce n’est pas un hasard d’avoir choisi le huit mai pour cette rencontre. Jour de la fin de la deuxième guerre mondiale en 1945 et de la fondation du Conseil de l’Europe en 1949. Une semaine aussi après l’élargissement de l’Europe à dix nouvelles nations.  Stuttgart, ville où pour la première fois les Eglises protestantes allemandes reconnurent leur responsabilité à l’égard du nazisme, en octobre 1945, a été retenue pour ce rassemblement.

Une nouvelle étape du mouvement oecuménique.

            Durant la guerre, l’Esprit saint, qui n’abandonne pas son peuple malgré la folie meurtrière, a justement commencé à susciter des mouvements et communautés nouvelles. Puis vint le renouveau charismatique des années 60. Jusqu’à ce jour, ces mouvements laïcs sont des acteurs importants du renouveau de la vie des Eglises. Ils sont les témoins de la vocation du peuple de Dieu tout entier au service et au témoignage, ainsi que de l’action de l’Esprit saint répandant ses dons sur tous les chrétiens et suscitant des personnalités prophétiques et charismatiques. Comment les Eglises sont-elles attentives au défi lancé par ces mouvements ?

            Or, il me semble que quelque chose de nouveau s’est manifesté à Stuttgart. « Une belle surprise », « un jour historique », « quelque chose de l’avenir qui se donne à voir », ai-je aussi entendu. Cette nouveauté tient, à mon sens, en deux sortes de communion. Celle entre les mouvements et celle entre les mouvements et les responsables d’Eglises. (Plus de 50 évêques et présidents de différentes Eglises étaient aussi présents). Car n’est-ce pas le même Esprit qui répand ses charismes dans le peuple de Dieu et qui suscite les ministères ordinaires pour construire l’Eglise ? Le ministère ordonné n’est-il pas lui-même un charisme ? A Stuttgart la vocation du peuple de Dieu à vivre et à servir dans le Christ était sur le devant de la scène. Mais tous sont appelés à partager leurs charismes « ensemble pour l’Europe ».  Cela a illustré de manière remarquable les injonctions apostoliques à « porter ensemble » le ministère du Christ et à « avancer ensemble » vers la plénitude du Royaume.

            Je considère donc Stuttgart comme une étape significative du mouvement oecuménique. Par ce mouvement, qui est plus large que toute expression oecuménique institutionnelle, parfois en crise ou en recherche d’une nouvelle configuration, tel le Conseil oecuménique des Eglises, l’Esprit saint surmonte les divisions, lève les barrières, établit une communion bienfaisante et rafraîchissante entre chrétiens de diverses Eglises et entre leurs responsables. Ce qui s’est vécu à Stuttgart a valeur de modèle non seulement pour l’Europe, mais pour l’ensemble de « l’oikoumènè » ; cela est à concrétiser dans chaque situation locale, où les chrétiens ont à apporter un témoignage commun.

Donner un cœur à l’Europe

            La rencontre de Stuttgart n’est pas née de la dernière pluie. A l’intérieur du protestantisme allemand, les différents mouvements se rencontrent régulièrement depuis 1969. Ils ont formé la majorité des 175 mouvements et communautés présents le 8 mai. Dans le catholicisme, à la veille de Pentecôte 1998, le pape Jean-Paul II a appelé les mouvements catholiques à la communion. Appel qui a été suivi par l’organisation de nombreuses rencontres entre mouvements catholiques. En 2001 à Munich, des mouvements protestants, évangéliques et catholiques se sont rassemblés. La rencontre de Stuttgart est le fruit de l’amitié née entre les responsables de ces mouvements. S’y sont ajoutés quelques mouvements de jeunesse orthodoxes.

            Il y avait les « grands » mouvements, avec leurs fondateurs, comme les « petits ». Il y avait l’expression d’une grande pluralité, qui se donnait à voir dans le style des chants, des thèmes, des préoccupations des divers mouvements. Mais on percevait aussi un fil rouge, un noyau, celui de l’union au Christ, cœur de la vocation de chaque mouvement. Pas un plus petit dénominateur commun, mais une unité spirituelle dans un regard commun vers le Christ vivant et l’Evangile.

            Si les mouvements sont « ensemble pour l’Europe », ce n’est pas pour former un front « contre », mais pour partager ce qu’ils ont reçu du Seigneur. De leur communion renforcée pourront naître de nouvelles initiatives.

            Beaucoup de mouvements sont nés de l’engagement de laïcs ; ils s’intéressent aux conditions sociales, économiques et politiques. Or, comme le rappelait le président de la Commission européenne Romano Prodi, si l’Europe, grand projet politique et économique, a besoin d’institutions, elle a aussi besoin d’une âme. « Et vous savez comment nourrir l’esprit », disait-il aux mouvements, ajoutant : « sans arrogance ni aucune prétention d’imposer quoi que ce soit, les chrétiens peuvent, dans le dialogue oecuménique et dans le dialogue avec les communautés juives et musulmanes, donner à l’Europe cette âme dont elle ne peut se passer ».

            La vocation du peuple de Dieu en Europe est d’apporter ce cœur, qui est le Christ venu introduire dans notre monde le pardon, la réconciliation verticale et horizontale et susciter une fraternité entre tous. Fraternité universelle aux implications humaines très concrètes, qui ne s’arrête d’ailleurs pas aux limites de l’Europe. Cet aria fut joué par les différents protagonistes de cette journée avec leurs nuances et leurs accents et se retrouve dans le message final.[1]

Figure de l’Eglise.

            A la fin de cette mémorable journée, les responsables des diverses Eglises ont lu chacun un verset de la prière de Jésus pour l’unité (Jean 17). Puis on a demandé à la reine Fabiola de Belgique de dire la prière du Seigneur. A la fin de celle-ci, sans doute par habitude, elle enchaîna avec un « Avec Maria ». Une partie seulement de l’Assemblée l’a récité… et pour cause !  Réflexion faite, je me demande si l’Esprit saint ne voulait pas alors nous rappeler la personne de Marie, qui n’a pas été mentionnée jusqu’alors. La mère du Seigneur n’est-elle pas la « laïque mise en mouvement  », la « charismatique » par excellence ? Remplie de l’Esprit Saint, elle a donné le Christ au monde. N’est-elle pas « figure de l’Eglise », laquelle, sensible aux dons charismatiques, a comme vocation de donner un cœur au monde, en lui apportant le Christ ?  Les mouvements peuvent apporter leur contribution pour une Europe des cœurs, dans la mesure où leurs membres marchent sur son chemin, qui a été un chemin d’accueil de la grâce, de dépossession de soi et de communion.

                                                                       Martin Hoegger, pasteur. Lausanne.

Article paru dans la Revue Chrétiens en Marche, 2004/2

Message du rassemblement « Ensemble pour l’Europe »

1.         L’Europe est arrivée à un tournant de son existence, qui sera décisif pour son avenir ; elle ne peut en effet se limiter à un marché ou une union garantissant la sécurité de ses habitants. On perçoit un nouveau souffle de l’amour de Dieu sur tous les peuples de l’Europe qui la pousse à être beaucoup plus.

            Continent aux beautés les plus diverses, elle a vécu des moments de splendeur et de croissance, mais a éprouvé aussi l’amère vérité que, sans référence à des valeurs profondes, l’homme se trouve arraché à son humanité et se révèle capable d’atrocités.

            Au siècle dernier, les deux guerres mondiales, les camps de concentration, le goulag et, d’une manière particulière, la Shoah, furent les signes des ténèbres qui se sont abattues sur notre continent, avec de douloureuses répercussions dans le reste du monde. Actuellement, marginalisations, injustices et exploitations de toutes sortes ainsi que la plaie du terrorisme réclament une solution.

            Cependant, malgré tous ces maux, nous constatons aujourd’hui avec gratitude que s’affirme une Europe réconciliée. Une Europe libre et démocratique.

2.         Animés par la force rénovatrice de l’Evangile, nous nous sentons appelés à travailler pour un continent uni et varié. Nous qui sommes réunis ici à Stuttgart des quatre coins du continent et qui appartenons à plus de 170 mouvements et groupes de différentes Eglises et communautés chrétiennes, nous voulons témoigner la nouveauté de la communauté qui grandit entre nous, sous l’action de l’Esprit…Nous offrons cette communion comme une contribution à une Europe capable de répondre aux défis de notre temps.

3.         Les charismes, les dons de Dieu, nous poussent sur la voie de la fraternité universelle, qui est pour nous la vocation la plus profonde de l’Europe. La fraternité n’est autre que l’amour évangélique vécu entre tous, toujours renouvelé, en commençant ici et maintenant. La fraternité est :

  • Partage des biens et des ressources ;
  • Egalité et liberté pour toutes et tous ;
  • Approfondissement du patrimoine culturel commun ;
  • Ouverture à ceux qui sont porteurs d’autres cultures et d’autres traditions religieuses ;
  • Amour solidaire avec les plus faibles et les plus pauvres de nos villes.
  •  Sens profond de la famille ;
  • Respect de la vie tout au long de son parcours naturel ;
  • Souci de la nature et de l’environnement ;
  • Développement harmonieux des moyens de communication.

            Par cette fraternité vécue, l’Europe devient elle-même message de paix ; une paix active, qui se construit au quotidien, avec à la base le pardon accordé aussi bien que demandé. Une paix qui veut construire des ponts entre les peuples, « mondialisant » la solidarité et la justice.

4.         Ce message, loin d’être une simple déclaration d’intentions, veut témoigner une réalité encore à ses débuts, mais déjà bien présente parmi nous.

            Réunis à Stuttgart et en même temps dans plus de 150 villes du continent, nous voulons travailler avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté pour une Europe de l’amour et de la fraternité, consciente de ses responsabilités et ouverte au monde entier.

Légendes des photos :

  1. Parmi les artisans de la journée : U. Parzany (Unions Chrétiennes des jeunes gens), F. Aschoff (Renouveau dans l’Esprit dans l’Eglise protestante, Allemagne), G. Fallacara (Focolari) ; A. Riccardi (S. Egidio).
  1. Un groupe musical moderne.
  1. 10.000 personnes présentes et 175 mouvements catholiques, protestants, évangéliques et orthodoxes.
  1. Un oecuménisme du peuple de Dieu en marche.

[1] Les promoteurs de cette journée sont : Friedrich Aschoff (Renouveau charismatique dans l’Eglise protestante, Allemagne), Chiara Lubich (Mouvement des Focolari), Michael Marmann (Mouvement de Schoenstatt), Helmut Nicklas et Ulrich Parzany (Union Chrétienne des Jeunes Gens), Gerhard Pross (Rassemblement des Mouvements et Communautés protestants, Allemagne), Andrea Riccardi (Communauté de S. Egidio), Frances Ruppert (Cursillos).


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